Les classes nominales en wolof: fonctionnalités et singularités d’un système restreint - LLACAN - Langage, Langues et Cultures d’Afrique Noire (UMR 8135) Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2015

Les classes nominales en wolof: fonctionnalités et singularités d’un système restreint

Résumé

Le wolof (langue Niger-Congo du groupe atlantique) a gardé les principales fonctionnalités du système des langues à classes mais il l’a simplifié sous certains aspects et systématisé par ailleurs de manière particulière. L’ensemble du lexique nominal est ainsi réparti dans différentes classes qui commandent des accords spécifiques. A côté de leur rôle sémantique dans la classification des termes du lexique, ces classes assurent donc bien à la fois leur rôle paradigmatique de différenciation sémantique, au travers de diverses oppositions, et leur fonction syntagmatique permettant un marquage morphosyntaxique de la continuité référentielle dans le discours. Néanmoins, le système du wolof atteste de différents remaniements du système des classes nominales qui, à divers égards, le distinguent des autres langues atlantiques et en font même, parfois, une langue singulière du point de vue typologique. Ainsi, du fait de la disparition des préfixes de classes, le wolof constitue un cas singulier de langue dans laquelle l’accord de classe subsiste sans que la classe ne soit marquée au niveau des lexèmes : l’appartenance d’un nom à une classe devient alors une propriété lexicale qui ne se manifeste que dans la forme que prennent ses déterminants. Il n’y a donc plus de flexion nominale en wolof en dehors de cas résiduels où se manifestent des traces de l’ancien système d’alternances consonantiques, initialement corrélé aux classes nominales. Même s’il reste visible dans une analyse statistique des différents radicaux, ce système d’alternances consonantiques n’est plus véritablement fonctionnel, sauf dans la dérivation déverbative. La disparition des anciens préfixes et du système des alternances consonantiques ainsi que les traces qu’ils ont laissées dans le lexique nominal ont eu pour conséquence une réorganisation partielle du système d’assignation des classes par l’émergence d’un principe d’accord dans la classe homophone de la consonne initiale du nom, en parallèle avec une tendance à généraliser une classe neutre (B) qui représente près de 40 % du lexique. Ce principe d’accord phonétique par allitération n’a cependant pas complètement enrayé la classification sémantique mais il se manifeste notamment dans le mode d’intégration des emprunts et des néologismes. La portée de l’accord de classe, dans cette langue, est limitée à des termes susceptibles d’un emploi adnominal, l’accord se manifestant à la fois dans leur emploi adnominal et dans leur emploi pronominal, pour ceux de ces termes qui admettent un tel emploi : déterminants et compléments du nom. Du point de vue morphologique, les marques d’accord présentent également une grande simplification dans la mesure où, d’une part, elles se réduisent à un seul jeu de formes constituées d’une consonne chacune et où, d’autre part, les voyelles originelles ont disparu contact des marqueurs déictiques. Cette systématisation de l’utilisation des déictiques spatiaux a favorisé la constitution d’un riche paradigme de déterminants. En outre, les classes de pluriel et les appariements en nombre ont été eux aussi considérablement simplifiés puisque la quasi-totalité du lexique fait son accord dans une classe de pluriel unifiée (Y), à l’exception notable du terme pour ‘personne, être humain’ et de quelques rares termes renvoyant à des groupes de personnes qui font leur accord dans l’autre classe de pluriel (Ñ). En outre, en dehors de nit ‘personne’, le seul autre membre de la classe K pour le singulier est këf ‘chose’ : les autres noms qui désignent des humains ne sont donc pas dans la même classe que le terme générique pour les humains, pas plus que les noms propres. Qui plus est, les noms propres de personnes font leur accord dans une troisième classe à laquelle ne se rattache aucun nom commun humain. Cette situation, assez extraordinaire d’un point de vue typologique, s’est cependant assortie d’une utilisation remarquable de ces classes quasi-singletons, K et Ñ, dans le système pronominal : celles-ci fonctionnent en effet comme classes génériques, en emploi absolu, pour référer aux humains, en parallèle d’une autre classe de faible rendement au niveau lexical, L, utilisée comme classe générique pour la référence aux objets ou aux choses. Le wolof a enfin systématisé, dans ses paradigmes, l’utilisation de deux classes défectives pour le lieu (F) et la manière (N). Grâce à l’exploitation systématique de ces quatre classes particulières, le wolof s’est ainsi doté d’un système pronominal, basé sur les classes nominales, remarquablement économique et cohérent.

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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

halshs-01803466 , version 1 (14-10-2022)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01803466 , version 1

Citer

Konstantin Pozdniakov, Stéphane Robert. Les classes nominales en wolof: fonctionnalités et singularités d’un système restreint. Denis Creissels Et Konstantin Pozdniakov; Konstantin Pozdniakov. Les classes nominales dans les langues atlantiques, Rüdiger Köppe Verlag, pp.545-628, 2015, 978-3-89645-723-3. ⟨halshs-01803466⟩
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