L’administration des personnes déplacées dans les zones françaises d’occupation en Allemagne et en Autriche : une politique de la France en contexte de Guerre froide (1945-1951) - Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (Cercec) Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2021

The administration of Displaced Persons in French occupation zones of Germany and Austria: a French policy in the context of the Cold War (1945-1951)

L’administration des personnes déplacées dans les zones françaises d’occupation en Allemagne et en Autriche : une politique de la France en contexte de Guerre froide (1945-1951)

Résumé

At the end of the Second World War, around eleven million civilians displaced by the war across Europe are liberated by the Allies. Eight million are in Germany and just over one million in Austria. The administration of these displaced persons (DPs) was part of the occupation policies of the three Western Allies, and their repatriation and emigration raised debates and tensions between the different institutional and state actors involved. This thesis examines French policies towards displaced persons. From 500,000 at the time of the liberation, the number of DPs, among whom more than twenty nationalities were represented, had fallen to 65,000 by the end of September 1945 in the French occupation zone in Germany (ZFO), and then to around 20,000 in July 1950. In the autumn of 1945, there were still around 25,000 people in the French zone in Austria (ZOF), compared with 12,000 in September 1950. From the spring of 1945 to the closure of the French services in charge of displaced persons and refugees (PDR) in 1951, the French administration of DPs went through three main phases: the regrouping of DPs, when the French military had to improvise to bring order to the chaos of the end of the war, was followed by repatriation as a response to the DP question, while the first steps of the DP administrations were accompanied by the difficult sharing of their responsibilities with the UN body, the UNRRA. In a third phase, the recruitment of displaced persons or their installation on the spot appeared to be the way forward, while the French authorities tried to be autonomous vis-à-vis the other occupants and the organisation that took over from UNRRA in mid-1947, the IRO. Initially uninterested in the DP issue, the French authorities finally took it over in order to limit the influence of UNRRA, a body mainly financed by the Americans and the British, which threatened to undermine France’s legitimacy as an occupying power. Moreover, for France, the DPs represented a potential labour force useful to the country. Besides, following the signing on 29 June 1945 of a Franco-Soviet agreement on reciprocal repatriation, the return of French nationals to France was conditional on the repatriation of all DPs claimed as Soviet by Moscow, including Western Ukrainians and Balts. This situation obliged France to choose between this diplomatic agreement and the commitments it had made to the United Nations in February 1946 to protect refugees who did not want to be repatriated, but also to determine the nationality of the DPs and thus its position on Soviet expansion westwards. In fact, the question of nationality was at the heart of the fate of the DPs and of France’s national and diplomatic policies. The assignment of a nationality to each DP forced the French to deal with the bureaucratic practices and vocabulary of the various actors involved in the administration of this population: the DPs themselves, the repatriation or liaison officers, and the agents of the UNRRA and then the IRO. The administration of the DPs also is a precious window into reassessing the place of the occupied zones in French diplomacy at the start of the Cold War. While relations between Paris and Moscow or Warsaw were paralysed, particularly after the ousting of the communists from the government and the Beauregard affair, the French occupation zones served as a space of détente. Frequent contacts and negotiations in favour of the Malgré-nous were still possible. Moreover, between 1949 and 1952, as the only zones in Germany and Austria to receive Soviet missions without interruption, they served as a bridge between the East and the West. The DP question thus allows us to decenter the traditional point of view of France’s place in the Cold War: until 1952, the French sought to construct their autonomous policy and remain on the margins of the regime of blocs.
À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, environ onze millions de civils déplacés à travers l’Europe du fait de la guerre sont libérés par les Alliés. Huit millions d’entre eux se trouvent en Allemagne et un peu plus d’un million en Autriche. L’administration de ces personnes déplacées (DPs, Displaced Persons) s’inscrit dans le cadre des politiques d’occupation des trois alliés occidentaux, et leur rapatriement et émigration soulèvent des débats et des tensions entre les différents acteurs institutionnels et étatiques concernés. Cette thèse étudie les politiques adoptées par l’un de ces acteurs vis-à-vis de la présence des personnes déplacées dans ces deux pays : la France. De 500 000 à la libération, les DPs, parmi lesquelles sont représentées plus d’une vingtaine de nationalités, ne sont plus que 65 000 fin septembre 1945 dans la zone d’occupation française en Allemagne (ZFO), puis environ 20 000 en juillet 1950. En septembre 1950, il reste encore 12 000 personnes en zone française d’Autriche (ZOF), contre environ 25 000 à l’automne 1945. Du printemps 1945 à la fermeture des services français en charge des personnes déplacées et réfugiées (PDR) en 1951, l’administration française des DPs a connu trois grandes phases : au regroupement des DPs, alors que les militaires français doivent improviser pour mettre de l’ordre dans le chaos de la sortie de guerre, succède le rapatriement comme réponse à la question DP tandis que les premiers pas des administrations PDR s’accompagnent du difficile partage de leurs responsabilités avec l’organisme onusien, l’UNRRA. Dans un troisième temps, le recrutement des déplacés ou leur installation sur place apparaissent comme des voies à suivre tandis que les autorités françaises tentent d’être autonomes vis-à-vis des autres occupants et de l’organisme qui prend la succession de l’UNRRA à la mi-1947, l’IRO. D’abord désintéressées de la question DP, les autorités françaises s’en emparent finalement pour limiter l’influence de l’UNRRA, organe principalement financé par les Américains et les Britanniques, et qui risquerait de fragiliser la légitimité de la France comme puissance occupante. Par ailleurs, pour la France, les DPs représentent une potentielle maind’oeuvre utile au pays. Aussi, suite à la signature le 29 juin 1945 d’un accord francosoviétique de réciprocité dans les rapatriements, le retour des ressortissants français en France est conditionné par le rapatriement de tous les DPs revendiqués comme soviétiques par Moscou, ce qui inclut les Ukrainiens occidentaux et les Baltes. Cette situation oblige la France à choisir entre cet accord diplomatique et les engagements qu’elle a pris auprès des Nations unies en février 1946 protégeant les réfugiés réfractaires au rapatriement. Elle implique également la détermination de la nationalité des DPs et donc à définir sa position vis-à-vis de l’expansion soviétique à l’Ouest. De fait, la question des nationalités se retrouve au coeur du sort des DPs et des politiques nationales et diplomatiques de la France. L’assignation d’une nationalité à chaque DP oblige les Français à composer avec les pratiques bureaucratiques et le vocabulaire des divers acteurs impliqués dans l’administration de cette population : les DPs eux-mêmes, les officiers de rapatriement ou de liaison, les agents de l’UNRRA puis de l’IRO, et les divers services français qu’ils fonctionnent en France, à Berlin et à Vienne, dans les quartiers généraux des zones ou directement auprès des DPs. L’analyse de l’administration des DPs permet d’apprécier la place des zones d’occupation dans la diplomatie française en cette période de début de Guerre froide. Alors que les relations entre Paris et Moscou ou Varsovie sont paralysées, notamment après l’éviction des communistes du gouvernement et l’affaire Beauregard, les zones d’occupation françaises servent de zones de détente. Des contacts fréquents et des négociations en faveur des Malgré-nous y sont encore possible. En outre, entre 1949 à 1952, étant les seules zones d’Allemagne et d’Autriche à accueillir sans interruption les missions soviétiques, elles font office de pont entre l’Est et l’Ouest. La question DP permet donc de décentrer le regard traditionnel sur la place de la France dans la Guerre froide : jusqu’en 1952, dans ce régime de blocs, les Français ont cherché à construire une politique autonome et à rester à la marge.
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Citer

Julia Maspero. L’administration des personnes déplacées dans les zones françaises d’occupation en Allemagne et en Autriche : une politique de la France en contexte de Guerre froide (1945-1951). Histoire. EHESS, 2021. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-03660505⟩
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